Architecture. Un entretien avec les architectes Benjamin Lafore et Sébastien Martinez-Barat, où il est question d’école ; de l’architecture comme recherche ; de l’importance de l’observation ; de skatepark ; de maisons sous-marines et un tout petit peu d’art.

L’interview, version intégrale

Image L’agence s’est installée à Ivry-sur-Seine, dans le complexe « Les Etoiles » construit par Jean Renaudie et Renée Gailhoustet dans les années 1970. Au premier plan : une expérience avec la technique Géocorail, qui a été exposé à Paris et à Lisbonne. On aperçoit deux collaboratrices de l’agence qui travaillent sur une projet de recherche sur le thème de l’architecture et de l’empathie. Dans la bibliothèque de l’agence on trouve notamment de nombreux ouvrages sur l’architecte Philip Johnson.

Comment on devient architecte

BENJAMIN LAFORE Sébastien et moi on a grandi dans des zones pavillonnaires dans la périphérie toulousaine. Sébastien à l’est et moi au sud. On s’est rencontré à l’école d’architecture avec cette culture architecturale commune, qui est très décriée dans les écoles d’architecture. Ce n’est pas de l’architecture de grand auteur. C’est des modes de vie qui sont dévalorisés. Dès la première année ça a été un biais de réflexion, un positionnement. 

SÉBASTIEN MARTINEZ-BARAT A l’école d’architecture on nous parlait de Vitruve et de Le Corbusier. Nous ce qu’on aimait regarder c’était les ronds-points, les lotissements, le crépi rose, les maisons de promoteur. On essayait de comprendre ce vernaculaire industriel, qui était notre culture visuelle. On s’était positionné sur cette idée qu’il y avait d’un côté l’histoire de l’architecture qui est une forme de connaissance commune, dans laquelle on pouvait puiser, mais qu’il y avait aussi un réel de l’architecture auquel il fallait se confronter. On a passé des heures et des heures à déambuler dans les lotissements, à essayer de comprendre ce qu’il y avait à voir. On n’était pas naïf : on savait que ça produisait des modes de vie critiquables. L’idée n’était pas de dire que c’était bien ou pas, mais c’était là, et il fallait accorder cette attention au déjà là, regarder les choses pour ce qu’elles sont, au-delà de tout style, de toute écriture architecturale. Regarder les choses pour ce qu’elles sont avec le moins d’aprioris possible. 

BENJAMIN LAFORE On a fait nos deux premières années à l’école d’architecture de Toulouse. On a fait la suite de nos études à l’école de Paris-Malaquais, qui est située dans les locaux des Beaux-Arts de Paris. Mais il y avait peu de liens avec les étudiants des Beaux-Arts. C’était décevant. Pendant nos 5 ans à Paris-Malaquais, on n’a pas fait les stages obligatoires chez les architectes, mais on a fait un stage chez un artiste dont le travail est proche de l’architecture : Mathieu Mercier. On a travaillé avec lui sur une pièce qui était un Mondrian domestique : une étagère qui reprenait avec des objets du quotidien le principe des tableaux couleurs primaires de Mondrian. Chez Mathieu Mercier on a appris la précision de l’objet, une méthode de travail, et, plus que l’art, une culture de l’exposition, l’exposition comme moyen d’expression. 

Image La revue Face B, fondée par Aurélien Gillier, Benjamin Lafore et Sébastien Martinez-Barat : trois numéros ont paru entre 2008 et 2010.

L’architecture comme recherche

SÉBASTIEN MARTINEZ-BARAT L’école de Paris-Malaquais à ce moment-là était un peu dysfonctionnelle, mais dans le bon sens du terme. C’était une école qui avait une forme d’effervescence et d’émulation intellectuelle, grâce aux professeurs qui y enseignaient et parce qu’elle partageait ses locaux avec les Beaux-Arts. II y avait un département de l’école qui était assez important, et qui s’appelait Théorie Histoire Projets : il y avait une volonté de s’ancrer dans une culture de l’architecture de recherche, de l’architecture expérimentale, de l’architecture comme chose non construite. On pouvait déambuler dans les rues de Paris avec des profs jusqu’ à 6h du matin. Le cours avait lieu la nuit : des choses qui étaient complètement en dehors de l’apprentissage d’un métier.  Et puis, au début des années 2000, il y avait un moment où se rejoignaient les cultures de l’art contemporain et de l’architecture, avec des figures assez importantes comme François Roche qui travaillait sur l’architecture computationnelle, Décosterd et Rahm qui avaient trouvés dans le milieu de l‘art contemporain la possibilité de faire une architecture plus expérimentale, et peut-être Didier Faustino, qui était dans cette ambivalence entre le marché de l’art et les rituels du métier d’architecte. Il y avait aussi l’architecture non standard avec des enseignants comme Philippe Morel, qui était vraiment dans une dans une pratique de l’architecture comme recherche. Dominique Rouillard avait fait paraître son histoire de l’architecture, Super-architectures qui était une histoire de l’architecture expérimentale et des avant-gardes des années 70.  C’était un moment assez propice pour repenser un peu la manière d’être architecte.  

BENJAMIN LAFORE En parallèle de nos études, on a fondé la revue Face B qui était un outil pour comprendre les différents métiers et les différentes utilisations de l’architecture. Cette revue nous a permis d’aller voir des architectes de générations différentes, de nationalités différentes pour comprendre comment ils faisaient de l’architecture ou de la recherche.  

SÉBASTIEN MARTINEZ-BARAT Face B c’était une petite revue, un fanzine, qui nous a permis de voyager, de rencontrer des personnes, de faire notre école buissonnière. Et finalement c’est ça qui nous a formé.  

L’importance de l’observation

ANTIMUSEE En 2014, vous avez été commissaires du pavillon belge de la Biennale de Venise, avec le projet “Intérieurs. Notes et figures”, une grande enquête photographique dans les intérieurs de maisons et d’appartements en Belgique. D’où vous est venue cette idée ?  

SÉBASTIEN MARTINEZ-BARAT C’est une longue histoire. Et c’est un projet important pour nous qui nous a permis de conceptualiser ce qu’on faisait depuis toujours. On n‘avait peut-être pas trouvé les mots pour penser ce qu’on faisait. Ce projet nous a mobilisé pendant un an et demi et il nous a permis de comprendre ce qu’on faisait. Le projet est né d’un appel à candidatures de Rem Kolhaas qui s’appelait « Absorbing Modernity”, la modernité absorbante : l’idée était que la modernité était un phénomène d’effacement, d’uniformisation de l’architecture, qu’on perdait toutes les spécificités locales. Evidemment, l’appel d’offres était un peu ironique. Notre manière de rebondir là-dessus était de dire : effectivement la modernité peut être absorbante : si on regarde les bâtiments depuis l’extérieur, ils ont tendance à s’uniformiser, à cause de l’industrialisation et de la globalisation de la construction. Mais si on regarde la manière dont ils sont interprétés par les habitants, on se rend compte que derrière chaque façade uniforme il y a une multitude de situations ultra spécifiques. C’est cet exercice de retournement du regard qui nous a intéressé : considérer l’architecture uniquement de l’intérieur. D’un point de vue épistémologique, cette approche est liée à notre culture féministe et queer : c’est l’endroit d’où on parle, d’où on regarde qui définit ce qu’on peut dire sur l’architecture.  

BENJAMIN LAFORE On a mis en place une méthodologie qui s’inspirait de l’ethnologie de la sociologie, tout en sachant que nous n’étions pas scientifiques. On a constitué une équipe : un photographe, une urbaniste, des architectes. Après ce travail d’enquête, on a malaxé l’archive. On a posé des mots sur ce qu’on avait observé. Pendant l’enquête on discutait avec les habitants, on essayait de comprendre les différents modes de vie. Mais ensuite notre travail d’architecte a été de regarder les intérieurs eux-mêmes, dans leur immédiateté. Par le texte et par le dessin, on en a tiré des figures. Ces « figures” viennent de Roland Barthes qui dans Fragments d’un discours amoureux décortique le sentiment amoureux à travers différentes situations et il établit une typologie : les figures. On a fait à la domesticité ce que Roland Barthes fait au sentiment amoureux. Ces figures sont devenues des outils pour nous, des méthodes.  

SEBASTIEN MARTINEZ-BARAT Ce qu’on a réussi à affirmer avec ce projet c’est que notre pratique de l’architecture ne se basait pas sur un style a priori, mais d’abord sur une appréhension du réel, sur l’enquête de terrain. L’observation inaugure le projet. C’est déjà le projet que d’aller regarder les choses, de manière attentive, sans précipitation.  

ANTIMUSEE Dans cette enquête, il y a presque un côté Sherlock Holmes…  

S. MARTINEZ-BARAT Exactement, c’est cette idée d’enquête quasiment au sens policier du terme. Ce projet a révélé notre méthode, mais on pratique ce type d’enquête dans chaque projet : ce n’est pas le dessin a priori qu’on vient poser sur un site. Ça c’est une certaine idée moderniste de l’architecture. Dans chaque projet qu’on fait, il y a toujours un existant. Le projet émerge de la compréhension du contexte, qui n’est pas forcément le contexte bâti. Ce contexte nous fournit des opportunités. La notion de figures est primordiale : elle permet de nommer des choses qui n’ont pas de nom a priori. Le fait de désigner quelque chose lui confère un mode d’existence. Charles Jencks disait : “Notre recherche est celle du mot qui convient.” Trouver le bon mot avant de dessiner. Une fois qu’on a le bon mot on est capable de partager. La conception est toujours un processus collectif. Il faut arriver à partager la réalité qu’on entrevoit.  

B. LAFORE Trouver le bon mot permet de partager notre vision avec tout l’écosystème d’un projet qui va des commanditaires aux politiques, au plombier, à l’habitant.  

IMAGE Une image extraite du livre Intérieurs. Notes et figures. La légende est la suivante : « L’ensemble des petits et gros électroménagers est entreposé dans une même pièce. La cohérence manifeste de cette gamme d’objets standards est soutenue par un meuble qui s’immisce dans la série en en reprenant les attributs. Par analogie, l’apparence normée d’un mobilier devient effet de style. »

ANTIMUSEE Le livre que vous a tiré de l’exposition est construit comme une éducation du regard : vous nous invitez à faire nos propres analyses, inspirées de vos petits paragraphes très précis, et drôles parfois…  

B. LAFORE   On est très friand de littérature architecturale. Et l’humour est présent dans quelques textes d’architectes, qui s’inscrivent dans cette culture de l’observation. Percier et Fontaine, les architectes de Napoléon partent à Rome pour documenter les maisons et les palais : les dessins qu‘ils font sont accompagnés d’une légende qui est souvent ironique. Il y aussi le couple Robert Venturi et Denise Scott Brown qui dans les années 1960 observent Las Vegas d’un point de vue architectural et urbain. Il y a une pointe d’ironie dans leurs diagrammes, dans leurs dessins. On décèle aussi une pointe d’ironie, mais jamais de jugement, dans la manière dont Bernard Rudofsky monte les images et les légendes dans son travail Architecture without architects.  

S. MARTINEZ-BARAT L’image peut aussi être un piège. Les images peuvent être trop fascinantes. La description est outil pour passer au tamis les images et en garder ce qui peut être conceptualisé. La littérature a été pour nous une ressource pour penser l’architecture. Il y a Thomas Clerc avec son livre Intérieur. Je pourrais aussi parler de Perec ou de Guillaume Dustan. C’est des écrivains qui donnent une place importante à la description. Benjamin pourrait parler de Flaubert quelques textes.  

B. LAFORE  C’est Thomas Clerc qui nous a fait découvrir la nouvelle de Flaubert, “Un cœur simple”. Il y a la description d’un intérieur, mais qui reste assez nébuleuse, avec un piano, un tas de cartons, et un baromètre. Et on a essayé d’en faire une maquette. 

S. MARTINEZ-BARAT C’était un exercice pour voir comment une description permet de comprendre un projet. Avec une même description, aussi précise qu’elle soit, on en arrive à une vingtaine de projets différents.  

B. LAFORE Ce travail d’observation est lié aussi à notre génération d’architectes. On a souvent été confronté à la rénovation. On a été amené à faire des projets dans de l’existant, que ce soit un appartement ou une friche industrielle. On ne peut pas évacuer ce qui est déjà là. On ne peut pas partir de la page blanche moderne. On doit partir des qualités existantes d’un site : ça peut être des qualités architecturales, de la volumétrie, mais c’est aussi les qualités paysagères, ou le contexte économique, où on peut trouver les matières premières.  

S. MARTINEZ-BARAT L’enseignement de l’architecture est encore basé sur une idée de l’architecte comme auteur, qui est une idée que l’architecture moderne a inventé. En 2010, on est diplômé, c’est la crise. On est confronté à des petits projets. On fait des transformations. Cette notion d’auteur et mise à mal par un réel qui est plus fort que tout dessin a priori. Et alors, quand on se met à travailler à partir de terrains nus, qui est sans doute le fantasme de l’architecte moderne, on continue de regarder attentivement, on regarde ce qui est à préserver : on remarque qu’il y a de l’herbe, on fait attention à la lumière, on remarque la présence d’un arbre.  Ce regard est assez propre à notre génération d’architectes qui a découvert sa pratique dans ce réseau de contraintes.

Skatepark

S. MARTINEZ-BARAT On a d’abord été invité à monter une exposition sur les skate-parks à la Villa Noailles. On avait quelques doutes sur notre légitimité à faire cette exposition dans la mesure où nous ne sommes pas skateurs. On a donc lu tout ce qu’on pouvait sur la culture skate et les skate-parks. On a étudié l’histoire des skate-parks, les techniques de construction. On a essayé de comprendre le rôle que ça avait dans le paysage, en tant qu’espace public qui rassemble des gens, des groupes de personnes différentes, pas seulement des skateurs. Il y avait aussi une fascination esthétique pour ces formes fluides, qui relèvent de la géométrie non standard, des formes qui se rapprochent de l’architecture computationnelle des années 2000 qui fait partie de notre culture, avec ces surfaces paramétriques qu’on peut coder par ordinateur. Cette notion d’espace partagé nous a rappelé le rôle du boulodrome : c’est un point de rendez-vous, c’est un lieu de flânerie. On travaillait au développement d’une friche industrielle pour en faire d’exposition pour la Galleria Continua. Cette usine était aussi le stigmate d’un désastre industriel. On voulait faire de cette friche un grand jardin pour attirer un public nouveau, et pas seulement le public habituel de l’art contemporain.  La Galleria Continua a décidé d’installer le skate-park sur le site de la friche et de le financer, tout en le rendant accessible au public. On a donc pu transformer les recherches sur le skate-park en une vraie expérimentation. 

B. LAFORE On n’a pas fait l’exposition pour faire un skate-park. Mais la recherche permet de créer des opportunités de projet. C’est ça aussi le travail des architectes aujourd’hui : créer des opportunités de projet, et ne pas se contenter d’attendre des commandes ou des appels d’offre.  

IMAGE Une image du skatepark construit par l’agence sur le terrain de la Galleria Continua, à Boissy-le-Châtel. Une vidéo tournée sur le skatepark.

S. MARTINEZ-BARAT Pour préciser la manière dont le skate-park a été conçu : c’est l’observation qui a fait le projet. On a rapidement senti que le projet de skate-park pouvait être un outil pur organiser le grand territoire de la friche industrielle. Le bâtiment était loin de l’entrée, le public était toujours perdu dans les allées. Il y avait les traces de l’ancien chemin de fer qui amenait la pâte à papier dans l’usine. Sur ces traces la terre était tassée. C’était en regardant les densités de terre qu’on a eu l’idée d’implanter le skate-park sur les traces du chemin de fer. Et juste en interprétant le site, on a eu l’idée de cette forme très linéaire : il fait plus de 100 m de long. Il lie l’entrée au bâtiment de l’usine. Il n’y pas eu de dessin. C’est en arpentant le site avec les constructeurs, en se rendant compte des aléas du terrain qu’on a décidé de la forme exacte du skate-park. C’est presque de la construction directe. C’est une sorte d’improvisation, avec la connaissance des maçons-skateurs. Ceux qui ont construit le skate-park, ceux qui ont laissé le béton étaient des skateurs. Ce qui nous intéressait c’était de revenir à l’origine de la construction des skate-parks : du béton projeté sur des structures métalliques, lissé et séché sur place. C’est presque une performance. C’est la rencontre entre un projet et un site. Ce type d’expérimentation n’aurait pas pu avoir lieu dans un espace public. Aujourd’hui, le skate-park est devenu un point de rencontre pour l’ensemble des villages de la vallée : les skateurs, les familles s’y retrouvent et vont aussi regarder les Anish Kapoor ou les Buren exposés par la galerie.  

Une architecture « fragile et fugace » : les folies

S. MARTINEZ-BARAT On est parti au Japon avec un projet de recherche qui s’appelait “de l’architecture brève et explicite.” Il s’agissait de s’intéresser à l’histoire des folies, des folies dans les jardins de la noblesse européenne aux XVIIe-XVIIIe siècles, jusqu’aux années 1980, en plein essor de la French Theory, où la folie était devenue un territoire d’expérimentation pour les architectes déconstructivistes. La folie incarnait l’exercice de style par excellence de l’architecture expérimentale. On a des folies à Osaka commandées dans les années 1990 par Arata Isozaki à Z. Hadid ou à D. Libeskind par exemple. Il y a les folies de Bernard Tschumi à la Villette. Il y a les folies plus classiques dans les jardins anglo-chinois, par exemple le Désert de Retz en région parisienne, à Versailles, partout en Europe. Philip Johnson a aussi réinterprété cette idée de la folie avec sa Glass House. Quand ces édicules sont groupés ensemble, ils dessinent un paysage éclectique, une architecture fragile et fugace : de l’architecture en ruine côtoie de l’architecture post-moderne.  

B. LAFORE Les six mois passés au Japon nous ont permis de faire des recherches documentaires sur les folies. Cela rejoint la notion de figures : ces folies sont des hypothèses d’architecture. Des hypothèses sur une fonction, sur un usage, sur une mise en œuvre, des matériaux, sur un gabarit. Il est souvent dit que ces folies n’ont pas d’usage.  Mais chaque folie propose un rapport au monde. Il y a par exemple la folie “ruine” qui évoque la finitude de l’architecture. Au Japon on a fait une folie avec des strates au sol qui dessinent un territoire [la folie Template] : on ne sait pas si c’est une ruine ou des fondations. C’est des architectures qui permettent de s’abriter, de s’embrasser, de traverser une rivière, ou encore de se recueillir, dans le cas d’un temple.   

B. LAFORE Les folies sont aussi une manière de penser l’aménagement du territoire autrement, non pas avec des grands projets, mais par une prolifération de petits points, de petits lieux qui peuvent être connectés. 

S. MARTINEZ-BARAT  C’est la réflexion de Arata Isozaki dans les années 1990. La folie permet d’organiser la ville par points d’intensité, plutôt que par grands projets d’aménagement massifs.  

B. LAFORE C’est-ce que dit et fait Bernard Tschumi à La Villette. Il décrit le parc de La Villette comme un bâtiment de 10 000 m² éclaté sur un territoire. Ces folies sont des cubes de 10×10, étalés sur une grille. Elles sont de gabarit identique, mais elles s’inscrivent dans des situations urbaines très disparates : l’une rencontre un cours d’eau, ici elle rencontre une étendue d’herbe, là elle devient un signal visible depuis le périphérique.  

Des maisons construites par la mer

S. MARTINEZ-BARAT On a été amené, via le dispositif « Les nouveaux commanditaires », à étudier la possibilité d’un projet dans la baie de Txingudi, dans le pays basque franco-espagnol. Dans cette baie, les conséquences du réchauffement climatique sont très prégnantes. La baie est progressivement ensablée, les eaux montent, et la falaise s’érode très rapidement. Il y a une conscience écologique poussée dans ce territoire. On a été invité par un groupe de citoyens à travailler sur un moyen de montrer ce réchauffement climatique. C’est en lisant des rapports scientifiques sur l’érosion de la falaise, qu’on a découvert un procédé pour la reprise en sous œuvre d’ouvrage sous-marin, pour renforcer des fondations sous-marines. Ils avaient découvert que sur des câbles transatlantiques que des roches sédimentaires s’étaient formées à cause d’un courant électrique qui avaient servi de catalyseur. On a donc proposé une forme d’architecture qui serait uniquement construite par la mer. On laisse la mer construire la roche sédimentaire autour de grillages qu’on dépose. C’est une série de trois petits bâtiments construits par la mer. Ils enregistrent l’histoire géo-maritime. Ceux qui seront proche de la falaise, contiendront des débris de coquillages. Notre seule intervention, c’est de construire la grille, le canevas sur lequel la mer fait son action. C’est un projet complètement expérimental. On a fait quelques maquettes en laboratoire. On voudrait immerger les grilles sous l’eau et avoir peut-être dans un an ces folies, ces maisons construites sous la mer. L’idée c’est de ne pas tomber dans un style a priori, et que chaque projet soit très différent, qu’il émerge vraiment du contexte. On estime que le projet est réussi quand on est surpris par le résultat.  

Redécouvrir des architectes

S. MARTINEZ-BARAT On a commencé une recherche qui nous excite particulièrement. On découvre une certaine histoire de l’architecture expérimentale, une histoire des maisons expérimentales en particulier. On découvre les travaux d’architectes qu’on avait un peu oubliés : Jacques Hondelatte, Françoise Hélène-Jourda, Barto et Barto. On redécouvre leurs projets [et aussi : d’autres maisons], qui ont été peu publiés et qui sont proches de notre pratique.  

La revue Plan libre

Une présentation de la revue Plan libre par Fanny Vallin, architecte au sein de l’agence. Elle prépare actuellement un numéro sur le rôle de l’empathie dans le travail de l’architecte.

Illustrations

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